Moi, je suis une image.
Je suis un portrait.
J’ai les deux pieds dans le plâtre.
Je suis la reine du néant.
Je suis la porte sur le vide.
Je suis le mariage blanc des prêtres.
Je suis la moutonne blanche jamais tondue.
Je suis l’étoile des amers.
Je suis le rêve de l’eau de Javel.
Je suis le miroir de l’injustice.
Je suis le siège de l’esclavage.
Je suis le vase sacré introuvable.
Je suis l’obscurité de l’ignorance.
Je suis la perte blanche et sans profit de toutes les femmes.
Je suis le secours des imbéciles.
Je suis le refuge des inutiles.
Je suis l’outil des impuissances.
Je suis le symbole pourri de l’abnégation pourrie.
Je suis le silence plus opprimant et plus oppressant que toutes les paroles.
Je suis le carcan des jaloux de la chair.
Je suis l’image imaginée.
Je suis celle qui n’a pas de corps.
Je suis celle qui ne saigne jamais.
On m’a donné un oiseau comme mari.
On m’a dérobé mon fils de siècle en siècle.
On lui a donné un père célibataire jaloux et éternel.
On m’a taillé dans le marbre et fait peser de tout mon poids sur le serpent.
Je suis le grand alibi des manques des désirs.

Personne ne brise mon image.
On me recommence sans cesse.
Qui dévisagera mon image?
N’ai-je point quelque part une fille qui me délivrera?
Qui me déviergera?

Une muette ça ne parle pas.
Et pourtant, j’entends du bruit.

Au nom de la queue et du père et du fils.
Brr. Le fond de l’air est cru.
C’est humide dans ma statue.
Je suis dans l’arbre avec les nids.

Je me regarde me regarder avoir été Ève.
Je me regarde le regarder avoir été Adam.
Je me regarde regarder ce qui n’a jamais existé.
Je me regarde regarder sa pomme d’Adam qui monte et qui descend de plus en plus vite à mesure qu’il m’entend.

J’ai dans la gorge, un chant.
J’ai dans la gorge, un chat qui mange mon chant.
J’ai dans la tête des idées.
J’ai dans la tête, un ordre qui mange mes idées.

J’ai sur le bord du cœur une crotte qui m’empêche de turluter.
J’ai les pieds englués dans une marde qui m’empêche de giguer ma liberté.
Parce que pour parler il faut descendre de l’arbre.

Les gars me regardent pu
J’ai perdu au moins vingt livres
Ma maman m’écrit pu
J’bois de la boisson qui délivre

Pauvre petite fille, tu as peut-être joui.
Peut-être que tu l’as oublié.
Ils m’ont rentrée dans ton corps à coup d’images et de médailles, à coup de chantage et de promesses.
Il faut que je sorte d’ici moi.
Je me voudrais transparente.
Virginale. Si virginale.
Comme une nonne au visage pâle et aux petites mains douces.
Le couvent.
Être préservée du monde et de sa souillure.
J’ai essayé dans mon corps toutes les absences.
Je me voudrais maigre et décharnée.
Je me voudrais une charpente d’os veuve de chair.
Je voudrais avoir le moins de corps possible.
Je toujours été assez grêle, fragile et translucide.
J’ai toujours eu trop de corps et j’aime le gâteau au fromage.

Mes amies sont toutes mariées
Moi vraiment j’ai pas pu
Jamais rêvé de la blanche épousée
Comme la mort je l’ai dans l’cul
J’avais peur de faire des enfants
Je l’ai jamais dit à mes amants
Quand je me suis fait avorter
J’leur ai pas dit non plus.
J’ai pas trouvé le gars pour moé
Y doit pourtant exister
C’est en buvant que je l’attends
Avant que j’aye mes 60 ans
Je prends pas de clients aujourd’hui.
J’ai pas d’affaire à vous le cacher.
Je pense que vous avez compris ce que je faisais.
Mais je suis rien qu’une putain.